…ou « Maintenant, Roger, faudrait voir à pas trop tarder pour remplir les verres » dans la langue de Lorem Ipsum (inventeur de la page web, 106 a.C. – 43 a.C.). Et ben oui. Le week-end dernier, c’était la Saint Patrick. Soit une raison théologico-festive supplémentaire pour tous les soiffards de la terre de se rincer la djeule comme des malpropres jusqu’à pas d’heure, tout ça pour célébrer un type qu’ils connaissent même pas, et qui, paraît-il, a chassé tous les serpents d’Irlande (je demande à voir… au zoo de Dublin, par exemple, y’en a pas, des pythons, hein ? BEN SI). Mais bon, plouf plouf, parlons alcool et manga, parce que les deux ensemble, ça va bien.
Alcool…
…sans toi pas de Gainsbourg, sans toi pas de Rimbaud. Sans toi on s’rait contraint de se bourrer à l’eau chantait justement (grâce à ProTools) Marina Foïs dans Filles Perdues Cheveux Gras, un film dont on peut se passer, mais que bon, cette chanson, elle est rigolote et triste. Et c’est sur cette intro bizarre que je vais commencer ma présentation.
De tous temps les hommes ont consommé de l’alcool. Ou plutôt non. Parce que y’a les musulmans, les jaïns, ou encore les inuits qui, pour des raisons religieuses ou environnementales ne consomment ou n’ont pas pu consommer d’alcool. On dira plutôt : toutes les civilisations ont à un moment consommé et/ou produit de l’alcool, pour le plus grand bonheur de ce post.
Depuis les Chinois (qui faisaient du vin dès 7000 a.C. paraît-il) jusqu’à ces crétins de EpicMealTime qui se bourrent la gueule au petit déjeuner, l’être humain a appris à travailler le grain, la racine ou le fruit pour le faire fermenter, distiller, brasser et que sais-je encore, et puis le boire, hein, parce qu’on serait rien sans ça. D’aucuns expliquent la naissance de l’alcool comme purement accidentelle : un type laisse pourrir un peu trop un fruit, mais pas fou (parce que les fruits ça coûte cher et c’est compliqué à faire pousser), récupère le jus, le boit, et ça lui fait tout bizarre dans la didine (et dans la têtête aussi). Sauf que le sucre à l’état naturel, y’en a pas tant que ça dans les temps reculés de la protohistoire.
Aussi, d’autres estiment que les premiers alcool étaient obtenus à partir de grains brassés, pour rendre l’eau insalubre propre à la consommation. Ce sont les premières bières égyptiennes et mésopotamiennes. En outre, cette boisson avait pour intérêt aussi ses effets nourrissants : on brassait quand la récolte de céréales n’était pas à la hauteur des attentes, puisqu’on obtenait une plus grande quantité de produit nutritif qu’en envoyant le grain à la meule. Ainsi, le terme d’égyptien ancien qui désigne la bière peut être traduit par « pain liquide ».
Par ailleurs, en plus de ses propriétés nutritives, on s’est rendu compte assez rapidement – même si ça a dû leur faire drôle la première fois – que la consommation au-delà du raisonnable de bibine plongeait le buveur dans un état second. Ainsi, l’alcool est devenu un moyen d’entrer en communication avec un autre monde. Il a eu une valeur cultuelle (Ceci est mon sang, on boit du peyotl, et aussi les Bacchanales, ha ha ha on rigole). C’est pour ça qu’il y a eu des boloss’ comme Osiris, Ninkasi, Silenus, Yasigi ou les Tanuki à qui on donnait du sake.
Plus tard encore, l’alcool a eu des vertus médicinales internes (les alcools de plantes comme la Chartreuse, par exemple) comme externes (l’alcool à désinfecter). Et puis L’Assommoir, et les campagnes de « foie sain ; foie malade » dans les écoles de Jules Ferry, jusqu’aux arrêtés niçois interdisant la consommation d’alcool dans le centre de la vieille ville (WAIT WUT ?) Abuser de l’alcool est devenu abusé.
Et au Japon, hein ?
D’après Le Japon – Dictionnaire et Civilisation de Louis Frédéric (un homme, deux prénoms), « le sake (qui semble avoir été fabriqué dès l’introduction de la culture du riz au Japon, c’est-à-dire vers le IIIème siècle avant notre ère) était utilisé pour les cérémonies religieuses comme offrande (gisei) aux kami. » (on part dès lors du principe que le sake est le premier breuvage alcoolique officiellement reconnu à avoir foulé le sol nippon.) Et ça tombe très bien cette définition, puisque Wikipedia confirme, preuve que tous les grands encyclopédistes devraient se référer à cet incontournable de la culture mondiale du monde essentielle. #NOT. Cet alcool de riz (ou d’autres céréales voire tubercules) fermenté (et pas distillé) est donc d’abord utilisé cultuellement, avant que les riches se rendent compte que s’en jeter un petit dernière le kimono ça fait du bien par où ça passe. Il faudra attendre le XIIème siècle pour que le commun des Japonais puisse goûter cet alcool. Il a connu des variantes depuis, parmi lesquelles l’umeshu (sake + sucre + prune) ou le habushu (produit à Okinawa : sake + serpent trop lol).
Cependant croire que les Nippons ne s’en tiendraient qu’à leur simple alcool national est une erreur. Car si, comme le soulignent les Goncourt dans l’entrée Mercredi 6 novembre 1878 de leur Journal, la nourriture japonaise « n’est guère bonne pour nos palais européens […] l’on sent dans ces comestibles une cuisine très civilisée, très travailleuse du suc et de l’essence des aliments, et dont les produits donnent aux papilles un tas de petites sensations, délicates, complexes et fugitives« , bref, la nourriture exotique, c’est parfois bizarre, quand c’est bien fait, ça donne quand même bien envie. Ainsi les Japonais ont commencé à adopter la bière via le comptoir de Deshima et les rares échanges avec les Hollandais. Le vigne viticole a elle été cultivée à partir du XIXème siècle, avec la réouverture des frontières. Il en va de même pour la distillerie du whisky que les diplomates et ingénieurs ont ramené dans leurs bagages lors de voyages en Occident. A partir de la fin du XXème siècle, le Japon connaît un gros boom du vin, important crus internationaux plus ou moins bons, parce que 1/ les producteurs du Beaujolais ont eu le nez creux pour trouver quelques pigeons au palais peu expérimentés et refourguer leur piquette ; 2/ une importante campagne du ministère de la Santé japonais ventait la consommation modérée de vin rouge comme étant un bon remède préventif contre les cancers divers et variés.
Et dans le manga, bon sang de bois !? (pour ne pas employer d’expression plus vulgaire impliquant des lupanars et des organes de reproduction masculins externes)
Scène de commensalité commune du Gensokyo. Oui, je sais que TOUHOU Project, c’est pas un manga et tout, mais shaddap.
Et puis ça, quoi. ÇA, BON SANG ! #LuvSuika
Y’a plusieurs aspects de l’alcool dans le manga et la japanimation. On va commencer brut, avec les manga/anime qui traitent directement de la question.
Pour ma part, j’ai découvert l’alcool dans le manga avec la série des Bartender, anime qui est passée assez inaperçue dans la communauté des fansubber-tardz. Il a été diffusé au Japon en 2006, et à ce jour, il n’est toujours pas licencié en France, à mon grand dam. Ce qui est surprenant, c’est que pendant Japan Expo 2010, un écran géant de je sais plus quel stand gigantesque en diffusait l’opening. J’ignore si au Japon la série a trouvé son public dans l’archipel, mais elle m’avait assez touché. Parce que le thème abordé était pas spécialement commun : traiter de la vie – bourgeoise, la vie, soyons honnêtes – et du temps qui passe, mais avec la même atmosphère douce-amère que dans L’Homme qui marche de Taniguchi (c’est le premier titre du genre qui me passe par la tête), sauf que là, en plus, c’était anglé par l’alcool, sa consommation, et la vie d’un bar haut de gamme. Bref, Bartender parle de Ryu, barman ultime qui lit dans l’âme de ses clients en fonction de leur attitude et des commandes qu’ils passent. Ainsi, il est capable de servir le Verre des Dieux (oui, rien que ça), à savoir le cocktail le plus adapté au client à cet instant précis, celui qui le remettra sur les rails. À l’image de Dominic, le personnage interprété par Doug Walker dans ses Video Game Confessions : depuis Isaac de La Croisière s’amuse, le barman est le confident ultime. On nous donne ainsi à voir des scènes touchantes de vie que l’effet désinhibant de l’alcool rendent plus mieux, parce que les personnages sont alors plus sensibles.
Parti sur cette lancée, je me suis intéressé à Sommelier, manga scénarisé par Joh Araki, le scénariste de Bartender justement. C’est édité par Glénat en France. 6 volumes d’une aventure sur le vin. Intéressant, mais un peu flan, et au dessin pas franchement bandant. Les Japonais étaient encore en pleine fièvre Tasaki, du nom de ce sommelier, seul non européen à avoir décroché le titre de meilleur sommelier du monde (c’était en 1995).
Il a donc fallu que la lecture hasardeuse d’un article de Télérama vantant un manga sur la vinasse pour que je découvre Les Gouttes de Dieu (édité chez Glénat aussi). Encore une fois, il est question de l’aspect divin de l’alcool (à croire qu’on ne peut être que l’alcool n’inspire que lyrisme et sacré). Seinen d’aventure flirtant avec le shônen dans son propos « quête initiatique », le manga est surtout un ouvrage didactique assez pointu sur l’œnologie. On peut lui reprocher cependant d’accorder un peu trop d’importance aux points Parker qui font débat dans le milieu. Mais si vous n’y connaissez pas grand chose en pinard, lisez donc ça, c’est vraiment très chouette (je n’en ai que trop parlé ici ou là).
On peut aussi pointer la dimension sacrée de la consommation de l’alcool dans XXXHolic, où Yûko, grande prêtresse, fait grand usage d’alcool pour ce qui semble au départ n’être que son bon plaisir (et celui de Mokona aussi). Mais en lisant entre les lignes, on comprend qu’elle n’est pas la simple soularde qu’il paraît. On notera également que Shanks dans One Piece amène du sake pour s’attirer les bonnes volontés de Barbe Blanche, lui offre un sake de première qualité. Le partage de l’alcool souligne la dimension sociale originelle de la boisson : la communion avec les dieux implique la communion avec le groupe social.
Sauf que pour boire de l’alcool, l’érudition c’est bien pour se la péter en société et embobiner quelques ingénues facilement impressionnables, mais c’est pas l’important. L’important, c’est le style.
Or, la consommation d’alcool prise un peu au sérieux mais pas trop dans le manga – et plus particulièrement celle du vin – c’est souvent synonyme de classe, voire de malice. Le méchant charismatique se doit de boire du vin parce que sinon il est pas sérieux. Parce que le vin, c’est pas que la France. Enfin si. Et donc par capillarité, c’est le gros Gégé Depardieu, la vieille « mademoiselle » Deneuve, Dior, Chanel… « pour moi, c’est le luxe. » Or, le luxe, c’est aussi un trait particulier des méchants très méchants parce que machiavéliques. Le Comte de Darkwood de Interstella 5555 boit du vin comme un gros bâtard en regardant Mozart tomber dans une fosse de lave ; Deslar dans Space Battleship Yamato a une coupe de vin à la main quand il lance solennellement ses attaques spatiales (une posture parodiée dans l’épisode de Suzumiya Haruhi no Yûutsu quand la Brigade SOS affronte le club d’informatique) ; les amantes maléfiques des shôjo/jôsei yuri aiment à boire un bourbon/cognac/grand cru après l’amour (cf. Mawaru Penguindrum ou Maria Holic) ; et puis les vampires aussi, ces foutus vampires qui quand ils ne peuvent boire de sang boivent ce qui semble s’en rapprocher le plus (Alucard dans Hellsing, Evangeline dans Negima – Nyanpire est le seul vampire raisonnable) ; ET FREEZER ! PUTAIN, FREEZER ! Il boit du vin aussi.
Mais en vrai de vrai, tout ça, gentil, méchant, stylé, tout ça quoi, on s’en fout. L’important dans l’alcool, c’est la rigolade du partage de la commensalité entre amis.
Ben oui. L’alcool, ça fait des gens bourrés, et les gens bourrés, c’est marrant. C’est marrant dans GTO quand Onizuka se fout à poil pour aller pêcher des carpes koi dans un étang. C’est marrant dans Love Hina quand Haruka et Mutsumi et Kitsune sont franches du collier et disent et font de la merde. C’est marrant dans Genshiken quand Angela ou Kanako cherchent à tripoter Ogiue. C’est marrant dans Ano Natsu de Matteru quand Lemon fait de Kanna sa chose. On n’agit plus de la même manière avec les gens quand on s’est bien cuité ensemble. Ainsi, c’est le pied sur un tonneau de rhum que l’équipage du Chapeau de Paille a de multiples fois sceller l’amitié et l’esprit d’aventure qui l’anime. Et on en revient à TOUHOU qui n’est toujours pas un manga qui célèbre l’amitié dans l’ébriété.
Conclusion plouf plouf
Alors voila pour ce panel pas du tout exhaustif de la dive bouteille dans la BD nippone. Mais ça donne un petit aperçu. J’ai volontairement pas abordé l’alcoolisme comme problème dans le manga parce que c’est pas super marrant comme thème. Mais vous pouvez toujours jeter un œil à Sad Girl de Kan Takahama ou encore Bonne Nuit Punpun qui montrent quelques moments de violence causée par l’alcool. Parce que l’alcool n’est fun qu’en groupe, dans un esprit de franche camaraderie comme on dirait dans le Sud Ouest, et avec modération. Sur ce, je vous laisse, j’ai un apéro populaire à organiser pour jeudi.
Mes deux pochardes préférées restent quand même
– Misato (NGE), avec ses petits déj à la bière, quand même, ce qui pourtant ne semble pas avoir d’effet sur son tour de taille.
– Miime (Harlock), dont l’alcool est l’aliment de base. ce qui ne l’empêche pas d’être déchirée par moments.
Il y a quand même une constante : dans les mangas/anime, l’alcool sert à se torcher avant tout – à l’exception des mangas « gourmets » qui sombrent dans l’excès inverse : le snobisme bling-bling du château tamère 1962.
comment ça j’exagère? oui ben il est 7h du mat et lire un post pareil à l’heure du café, j’ai pas encore les idées claires (chuis pas comme Misato moi)
Misato ! Mais oui, Misato ! Comment ai-je pu oublier Misato !?
On ne le dira jamais assez ! Il faut boire frais ! 🙂